Qu’est-ce qu’un déboisement ?

 

Le Code de développement territorial (CoDT) fait la loi en Wallonie en matière d’aménagement du territoire. Pour les bois et forêts, le Code forestier est également d’application.

Le CoDT est formel:

« Sont soumis à permis d’urbanisme préalable écrit et exprès, de l’autorité compétente, les actes et travaux suivants : (…) 10° boiser ou déboiser ; toutefois, la sylviculture dans la zone forestière n’est pas soumise à permis » (Art. D.IV.4.).

Les parcelles situées rues de l’Institut et de Limalsart qui ont été complètement rasées il y a peu ne sont pas reprises en zone forestière au plan de secteur. Ces travaux, même qualifiés de « sylviculture », auraient donc du faire l’objet d’une demande de permis. Il n’en a rien été. Pourquoi diable ?

 

Précisément parce que « le diable » se cache dans l’interprétation de la notion de « déboisement ». Ne la cherchez pas dans le CoDT lui-même, vous ne la trouverez pas explicitement. En revanche, dans les cercles juridico-politiques et à l’administration Nature et Forêt de la Région, il est depuis longtemps entendu qu’un déboisement suppose la disparition définitive de tout ou partie d’un bois de telle sorte que l’espace déboisé ne puisse plus être reboisé ni par régénération artificielle ni par végétation spontanée.

 

Des centaines d’arbres sont coupés mais non dessouchés ? Si la mise à blanc ne dépasse pas 3 ha (au-delà, le Code forestier impose une autorisation), il ne s’agit que d’un simple abattage sans aucune contrainte. Telle est la jurisprudence.

 

Selon que vous serez puissants ou misérables…

 

Maints citoyens ont toutefois du demander un permis d’abattage même en conservant les souches, direz-vous. Etaient-ils obligés ?

Oui. Pour comprendre, il faut s’accrocher et parcourir les articles R.IV.4-6 & 7 du CoDT.

Quand il s’agit d’arbres isolés à haute tige situés en zone d’espace vert et, quelle que soit la zone, pour les arbres répertoriés officiellement comme « remarquables », le CoDT impose en effet quand même un permis, même s’il n’y a pas vrai déboisement.

Il impose également un permis, quelle que soit la zone, pour l’abattage d’arbres qui sont supposés remarquables dès qu’ils atteignent une certaine envergure, pour autant qu’ils soient visibles depuis l’espace public. Si un tel arbre se situe au sein d’un groupe d’arbres formant un cercle de maximum 706 m² (aux décimales du nombre π près…), l’abattage de ce groupe d’arbres est également soumis à permis. Précision : si les arbres concernés sont destinés à une exploitation sylvicole ou à l’agroforesterie, l’obligation de permis préalable saute…

 

On s’y perd un peu, à dire vrai. Une chose est sûre : si, dans le seul but de bénéficier d’un peu plus de soleil pour vos panneaux solaires, vous souhaitez éclaircir un petit bois comportant quelques beaux arbres visibles depuis la rue, un permis vous sera imposé. En revanche, si vous êtes propriétaire d’une parcelle boisée de 50 ares, composée de beaux grands arbres, bien visibles depuis la rue de l’institut à Rixensart (exemple pris au hasard…), aucune contrainte à l’horizon, que votre parcelle soit en zone d’espace vert, de protection paysagère ou Natura 2000 (sauf période de nidification). Même si la parcelle fait partie d’une zone naturelle classée, rue de Limalsart par exemple, aucun permis ne sera nécessaire si vous déclarez qu’il s’agit d’une « exploitation forestière », les arrêtés de classement prévoyant une exception pour ce cas de figure.

 

Quel paradoxe : en Wallonie, plus vous coupez d’arbres, moins vous serez contrôlé ! On caricature à peine. A l’heure des mobilisations contre le dérèglement climatique et la disparition de la biodiversité, cette situation n’est pas acceptable.

 

La commune démunie

 

On comprend, dans ces conditions, que la commune soit fort démunie pour réagir face à des coupes d’arbres d’une certaine envergure. Ce n’est pas, pour autant, faute d’avoir essayé face aux abattages des rues de l’Institut et Limalsart, sur une superficie d’environ 1 ha.

 

Après les avoir fait arrêter dans un premier temps, elle s’est vu déboutée en justice, l’auteur l’ayant citée devant le Tribunal de 1ère instance du Brabant wallon.

 

Par la suite, la commune a bien tenté de faire jouer d’autres dispositions, dont son Règlement général de police, mais elle s’est heurtée aux mêmes constats : dès qu’il ne s’agit « que » d’abattages, même de grande ampleur (mais inférieure à 3 ha), et si en plus ceux-ci sont exécutés sous couvert d’exploitation forestière, impossible de s’y opposer ou même simplement de les limiter ou de les encadrer.

 

La balle est donc dans le camp de la Région. Le CoDT doit absolument être revu pour mettre fin à ce qui, dans le contexte actuel, apparait comme une aberration. Une redéfinition de certains concepts (abattage, déboisement, …) avec, au besoin, l’établissement d’une procédure particulière pour tout abattage d’arbres à partir d’une taille à définir, quelle que soit la superficie ou la zone concernée, devraient être élaborées. De son côté, le code forestier, avec ce minimum de 3 ha de mises à blanc avant toute autorisation, devrait être revu.

 

Ces réflexions et suggestions sont bien entendu à débattre. Elles ont été adressées à la Région et nous comptons bien poursuivre les démarches pour faire évoluer les choses. La cause climatique et la protection de la biodiversité en valent la peine !