Réflexions au sujet de la fibre
Depuis un petit temps déjà, les trottoirs de Rixensart sont l’objet d’attaques généralisées. Les tranchées s’ouvrent et se referment, le trafic piéton et cycliste est perturbé. De proche en proche, tous les quartiers y passent. Ce sont ces fameux câbles roses qui sont enfouis, enveloppant des fibres optiques qui permettront des transmissions de données au moins 10 fois plus rapide que le réseau câblé actuel.
Plusieurs villes et communes sont déjà équipées (d’abord les plus grosses), les autres vont suivre. L’investissement est à la hauteur de l’ambition : on parle de 5 milliards d’euros en 10 ans pour le réseau Proximus. Les autres opérateurs s’y mettent aussi et même s’il y a des réseaux partagés, dans certaines zones, il y aura des doubles emplois et donc des gaspillages de ressources. Vive la concurrence !
Est-on obligés ?
Oui, en quelque sorte, quoiqu’actuellement, pour 97% des foyers, notre réseau de communication câblé réponde aux standards européens. Mais l’horizon 2030, les standards européens seront grosso modo 10 fois plus exigeants. Seule la fibre optique permettra de rencontrer cet objectif.
On devra alors tous y passer, alors que les débits actuels répondent aux besoins de la majorité des consommateurs ! C’est que la digitalisation de l’économie est devenue le mantra des décideurs à tous niveaux, privés comme publics, de l’européen au national et au régional. Faciliter et multiplier le télétravail, les vidéo-conférences, l’enseignement à distance, la vente et les jeux en ligne, l’intelligence artificielle, les univers immersifs, les e-guichets, e-services, etc., sont des exemples de l’inéluctable évolution de nos sociétés vers le tout au numérique.
La fuite en avant numérique
Inéluctable ? Peu de remise en cause du côté politique en tout cas. Des voix s’élèvent cependant pour s’inquiéter du devenir de notre vie sociale digitalisée et fragmentée. La « fracture numérique » menace l’exercice des droits de certains citoyens. L’impact environnemental du « tout numérique » est également régulièrement dénoncé. Rappelons que la consommation d’énergie des centres de données dans le monde atteint actuellement 1,5% de la consommation mondiale. Avec la fuite en avant numérique, ce chiffre atteindra les 3% * d’ici à 2030. Et on parle d’envoyer des centres de données en orbite, afin de limiter l’impact énergétique…
Le développement sans limite du numérique menace aussi les ressources mondiales en métaux rares, on le sait. La réponse ? Exploitons les fonds marins ! Et on n’a pas attendu M. Donald Trump et son obsession du forage à tout crin pour procéder depuis plusieurs années à des tests exploratoires dans le Pacifique, en toute discrétion. Le groupe belge DEME, détenteur de licences d’exploration, y est très actif. Quand la fuite en avant plonge dans les grands fonds après s’être envolée dans l’espace… Le grand écart !
Et le service public dans tout cela ?
Avec l’investissement en fibre optique, on peut également craindre un manque de transparence sur les coûts futurs d’investissement et d’utilisation pour les usagers. La notion de service public et d’égalité de traitement de tous les usagers s’est déjà largement estompée dans les télécoms. Est-il utopique d’espérer un retour du service public à l’occasion du déploiement de la fibre ? On ose à peine l’espérer alors qu’il serait plus justifié que jamais, les enjeux liés à la fracture numérique et à son impact sur a cohésion sociale augmentant à mesure que s’accélère la vitesse de transmission des données.